Reporters Sans Frontières (RSF) s'engage contre les projets de loi américains "Stop Online Piracy Act" et "Protect IP Act" qui visent à lutter contre le téléchargement illégal en censurant le web. Des projets qui prévoient également de déréférencer les sites, même étrangers, accusés de "faciliter" le piratage et de leur couper toute manne financière, soit potentiellement des répercussions mondiales. Explications avec Lucie Morillon, responsable du bureau Internet et libertés chez RSF.
Qu'est-ce que ces énigmatiques "SOPA" et "PIPA" ?
Ce sont deux projets de loi américains avec le même objectif de lutte contre "le piratage". Le "Protect IP Act" (dit "PIPA"), examiné au Sénat américain le 24 janvier prochain, vise à mettre en place un filtrage des sites web via leurs noms de domaine. On peut comparer cela à la mise en place d'une "grande muraille électronique", à la chinoise. L'équivalent à la Chambre des représentants, le "Stop Online Piracy Act" (dit "SOPA"), va encore plus loin. Il permet aux ayants droit d'exiger le retrait d'un contenu publié en ligne sans jamais passer par un juge. Les sites accusés de violer le droit d'auteur disparaîtront également des moteurs de recherche et leurs moyens de paiement en ligne seront bloqués par les services bancaires, soit l'équivalent d'une asphyxie financière. Par ailleurs, les outils de contournement de la censure, comme les VPN, seront criminalisés. C'est, en quelque sorte, un mélange de nos lois Hadopi [contre le téléchargement illégal] et Loppsi [qui instaure un filtrage du web], mais en pire.
Qu'en pensez-vous ?
- Tout cela est ridicule. Le filtrage des sites n'est pas efficace parce que les internautes pourront toujours, par des moyens détournés, accéder aux sites. Mais surtout cela risque d'entraîner un surblocage [lorsqu'un site est bloqué, les autres sites hébergés par le même serveur peuvent être injustement filtrés, NDLR]. Ces deux propositions de loi visent avant tout à défendre l'intérêt des puissants lobbies d'Hollywood, au détriment de la liberté d'expression. En plus, cela discrédite complètement tous les messages forts d'Hillary Clinton en faveur de la liberté sur internet.
RSF a-t-il pris position ?
- Nous avons déjà signé une lettre avec une quarantaine d'ONG pour condamner ces textes. Une nouvelle lettre sera adressée aux représentants, à l'approche du vote au Sénat. Il est important de bien comprendre que ces projets de loi auront des répercussions dans le monde entier, puisqu'ils s'appliqueront aux sites web étrangers. Par exemple, si un site enfreint le droit d'auteur sur une toute petite vidéo, alors il pourrait être bloqué aux Etats-Unis, déréférencé des moteurs de recherche et voir sa manne financière coupée. Comme les intermédiaires techniques ne voudront pas risquer des amendes chiffrées en millions de dollars, ils choisiront les solutions les plus sécuritaires, c'est-à-dire un blocage maximal. Si le texte passe, ce sera une peine de mort pour les sites web, selon la formule consacrée par l'universitaire américain Mark Lemlev.
Après l'opposition des géants du web et de l'administration Obama, ces projets de loi ont-ils encore une chance d'être adoptés ?
- Les positions de la Silicon Valley et l'administration Obama vont dans le bon sens. Mais, au début, ces textes avaient beaucoup de soutiens. Même s'ils se sont érodés, il faut rester vigilant. Ces textes, télécommandés par Hollywood, institutionnalisent une censure disproportionnée du web au nom de la protection du droit d’auteur.
Par Boris Manenti
Soyrce:
http://tempsreel.nouvelobs.com/high-tech/20120116.OBS8908/projet-de-loi-antipiratage-une-peine-de-mort-pour-les-sites-web-selon-rsf.html
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